
Être propriétaire d’un lot privatif (appartement, cave, parking ou garage) dans un immeuble en copropriété implique l’obligation de payer des charges de copropriété. Elles sont à régler directement au syndic, tous les trimestres, sur la base du budget prévisionnel voté lors de l’assemblée générale. Mais que se passe-t-il lorsqu’un copropriétaire ne paie pas ses provisions sur charges ? Quels sont les recours du syndic contre le copropriétaire défaillant ? PagesConseils vous explique.
Les obligations de paiement en copropriété
Fondements juridiques des charges de copropriété
Chaque année, lors de l’assemblée générale, l’ensemble des copropriétaires vote un budget prévisionnel.
Grâce à ce dernier, le syndic détermine les provisions sur charges qu’il va pouvoir appeler auprès des copropriétaires. Objectif : payer les dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d’administration des parties communes et des équipements communs de l’immeuble (article 14-2 loi 10 juillet 1965).
Bon à savoir : Les copropriétaires doivent payer ces provisions tous les trimestres : elles sont exigibles le 1er jour de chaque trimestre ou à la date fixée par l’assemblée générale.
Avant cette date, le syndic adresse à chaque copropriétaire un appel de fonds indiquant le montant à payer. Les appels de fonds prennent la forme d'un avis envoyé par le syndic par lettre simple aux copropriétaires, ou, sous réserve de l'accord exprès du copropriétaire, par message électronique à l'adresse déclarée par lui à cet effet (article 35-2 du décret n° 67-227 du 17 mars 1967, modifié par le décret n° 2019-650 du 27 juin 2019).
Bon à savoir : Le décret n° 2019-502 du 23 mai 2019 prévoit que le syndic doit mettre à disposition de chaque copropriétaire dans un espace en ligne sécurisé :
- son compte individuel ;
- le montant des charges courantes du budget prévisionnel et des charges hors budget prévisionnel des 2 derniers exercices ;
- le montant de sa quote-part du fonds de travaux ;
- les avis d'appel de fonds adressés sur les 3 dernières années.
La loi du 10 juillet 1965 encadre la répartition des charges en 2 catégories :
- générales : elles concernent l'administration, la conservation et l'entretien des parties communes, réparties proportionnellement selon les tantièmes de chaque lot de copropriété ;
- spéciales : elles concernent les services collectifs et équipements communs, tels que le chauffage ou l'ascenseur. Elles sont réparties selon l'utilité pour chaque lot.
Obligations des copropriétaires
Leur paiement s'effectue généralement par versement de provisions trimestrielles, conformément aux prévisions votées en assemblée générale. Leur non-règlement entraîne des conséquences pour le copropriétaire débiteur, comme :
- des intérêts de retard ;
- des frais de recouvrement ;
- des procédures judiciaires ;
- une saisie immobilière.
Pour la copropriété, cette situation engendre un déséquilibre financier et retarde voire empêche les travaux nécessaires.
Impact des lois ALUR et ELAN sur les charges de copropriété
Les lois ALUR (2014) et ELAN (2018) ont significativement modifié les charges de copropriété en France.
La loi ALUR a instauré des mesures pour améliorer la gestion des copropriétés, comme l'immatriculation obligatoire des syndicats de copropriétaires et la création d'un fonds de travaux. Ce fonds est alimenté par une cotisation annuelle obligatoire et vise à anticiper les dépenses liées aux travaux. Ces dispositions ont conduit à une augmentation des sommes dues par les copropriétaires, en raison de ces nouvelles obligations financières.
La loi ELAN simplifie les procédures de recouvrement des impayés. Elle renforce la trésorerie des copropriétés et contribue à une meilleure répartition entre les copropriétaires.
Procédures de recouvrement des charges par le syndic
Actions préalables du syndic en cas de charges impayées
Si la simple lettre de rappel n’a aucun effet, dès que le délai est passé et qu’un copropriétaire n’a pas réglé les sommes dues, le syndic le met en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception de régler les impayés.
Dans cette situation d’impayés, le syndic doit réunir des pièces justificatives pour établir la légitimité de la créance et entreprendre efficacement la procédure de recouvrement. Voici la listes des pièces :
- justificatif de propriété du débiteur : documents qui prouvent que le débiteur est bien propriétaire de la copropriété concernée ;
- contrat de syndic en cours : il atteste que le syndic est mandaté pour représenter le syndicat des copropriétaires ;
- relevé de compte détaillé : il présente les sommes dues et les paiements effectués ;
- appels de fonds correspondants : il indique les sommes dues par chaque copropriétaire, conformément aux décisions de l'assemblée générale ;
- procès-verbaux des assemblées générales : ils prouvent que les prévisions ont été votées et les comptes approuvés.
Procédures contentieuses
Les charges sont considérées comme impayées si elles n’ont pas été réglées par le copropriétaire à la date d’exigibilité.
Généralement, le syndic envoie une simple lettre de rappel aux copropriétaires qui n’auraient pas réglé les charges dans le délai prévu.
Bon à savoir : Les charges dues par le copropriétaire défaillant génèrent un intérêt au profit du syndicat des copropriétaires (art. 36 décret 17 mars 1967). Le taux d’intérêt applicable est le taux d’intérêt légal. Il s’applique à compter de la mise en demeure adressée par le syndic au copropriétaire redevable des charges impayées.
Les frais de recouvrement engagés par une copropriété pour récupérer les charges impayées sont dus par le copropriétaire défaillant (rép. min. n° 13904, JO Sénat du 11 mars 2021).
Depuis le 1er juin 2020, le syndic peut faire inscrire une hypothèque légale au profit du syndicat, en consentir la mainlevée et en requérir la radiation, « sans autorisation préalable de l'assemblée générale » (article 19 de la loi du 10 juillet 1965 modifié par l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019).
Si la mise en demeure n’a pas permis de récupérer les charges impayées, le syndic peut ensuite saisir le président du tribunal judiciaire, selon la procédure accélérée au fonds, pour qu’il condamne le copropriétaire défaillant au paiement des charges.
Le juge peut éventuellement ordonner une saisie sur loyer si le copropriétaire loue son bien, c’est-à-dire le prélèvement des charges impayées sur les loyers perçus par le copropriétaire.
S’il n’exerce pas de recours spécifique selon la procédure accélérée au fonds, le syndic peut également saisir le tribunal judiciaire (ou la chambre de proximité). Le syndic peut demander la saisie du lot du copropriétaire défaillant et sa vente. Les sommes qui proviennent de la vente du lot permettent au syndic de récupérer les sommes dues par le copropriétaire.
Pour ce faire, le syndic doit préalablement être autorisé par une décision d’assemblée générale. La voix du copropriétaire débiteur n’est pas prise en compte dans ce vote et le copropriétaire en question ne peut pas recevoir mandat d’un autre copropriétaire pour le représenter (art. 19-2 loi 10 juillet 1965).
Garanties et sûretés
Les créances du syndicat des copropriétaires bénéficient du privilège prévu par l'article 2332 1° du Code civil en faveur du bailleur. Ce privilège porte sur les meubles garnissant les lieux appartenant au copropriétaire ainsi que sur les sommes dues par le locataire à son bailleur (article 19 de la loi du 10 juillet 1965 modifié par l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019).
Par ailleurs, lors de la cession d'un bien en copropriété, le vendeur doit fournir à l'acheteur un état daté des sommes dues à la copropriété, informant l'acheteur d’une éventuelle dette. Les charges impayées peuvent effectivement engager la responsabilité du vendeur et de l'acheteur.
Cas particuliers autour du paiement des charges
Arrangements possibles en cas de charges impayées
Si le copropriétaire rencontre des difficultés de trésorerie passagères, il a le droit de s’adresser au syndic pour proposer un étalement du paiement des charges.
En présence d’un copropriétaire de bonne foi, le syndic peut l’accepter et mettre en place un calendrier ou un échéancier de paiement.
Malgré ces démarches, si les difficultés persistent, le copropriétaire et le syndic recourent à une médiation. Il s'agit d'un processus structuré dans lequel un tiers impartial, le médiateur, aide les parties à trouver une solution amiable à leur différend. Ce règlement de situation à l’amiable favorise le dialogue et la compréhension mutuelle. Il aide aussi à préserver la relation entre le copropriétaire et le syndic tout en trouvant une issue satisfaisante pour les deux parties.
Paiement des charges en cas de vente du lot
En cas de vente judiciaire d’un lot d’un copropriétaire qui n’a pas payé ses charges, le syndicat des copropriétaires bénéficie d’une hypothèque légale spéciale, c’est-à-dire qu’il est prioritaire pour être payé sur le prix de vente, pour les sommes qui lui sont dues par le copropriétaire (article 19-1 de la loi 10 juillet 1965).
Si le copropriétaire qui ne paie pas ses charges vend son lot de copropriété, le syndic en est informé par le notaire en charge de la vente : le notaire adresse en effet au syndic un « avis de mutation » par lettre recommandée.
Le syndic peut alors, dans les 15 jours suivant la réception de l’avis de mutation, faire opposition au versement du prix de vente au vendeur pour obtenir le paiement des sommes que le copropriétaire vendeur n’avait pas payées au syndic.
En conclusion, les charges de copropriété impayées par un copropriétaire entraînent des procédures de recouvrement initiées par le syndic. Celles-ci incluent la mise en demeure, une action judiciaire ou même la saisie immobilière. Parallèlement, les lois ALUR et ELAN ont renforcé les mécanismes de gestion et de recouvrement des charges, notamment par la création d'un fonds de travaux et la simplification de la procédure judiciaire. Enfin, lors de la cession d'un lot, le syndic peut récupérer les impayés en faisant opposition au versement du prix au vendeur.